Octogénaire au volant, des réponses à vos questions.
La voiture, synonyme d’indépendance et de liberté pour un jeune, l’est tout autant pour un senior ! Pourtant, avec l’âge, la conduite s’avère source d’inquiétude pour les personnes âgées… et pour les enfants de parents vieillissants. Voici quelques premiers éléments de réponse pour vous aider à faire le point.
La conduite automobile mobilise nos capacités motrices, sensorielles et cognitives. Or avec l’âge, ces capacités déclinent.
Les problèmes de vue sont les plus préjudiciables. En effet 90 % des informations nécessaires à la conduite sont fournies par la vue. On estime qu’un conducteur âgé a un champ visuel réduit de 20 à 30 %. Or un champ de vision large est nécessaire lors de certaines opérations notamment lors d’un dépassement. Dans les méfaits liés à l’âge il y a aussi sensibilité accrue à l’éblouissement provoqué par les phares de voitures. Quant à la DMLA, dégénérescence maculaire liée à l’âge, elle s’avère une maladie particulièrement dangereuse puisqu’elle prive le conducteur de la vision centrale.
Un âge avancé va souvent de pair avec une diminution de la mobilité et de la force musculaire. Des problèmes articulaires peuvent par exemple ralentir certains gestes qui devraient normalement se faire quasiment presque instantanément. Certains mouvements tels que tourner la tête deviennent plus difficiles avec un risque accru d’accident.
Plus difficiles à détecter, les troubles cognitifs augmentent eux aussi avec l’âge et gênent le conducteur âgé dans le traitement des informations. Un octogénaire éprouvera plus de difficultés qu’un jeune conducteur à réaliser des doubles tâches (par exemple ralentir et tourner simultanément), à anticiper, à coordonner ses actions (erreurs de pédales, vitesse inadaptée).
Face à ces difficultés, qui souvent se cumulent, les proches se trouvent démunis. Si certains pays ont mis en place des dispositifs pour évaluer les capacités physiques et cognitives des conducteurs seniors, aucune mesure de ce type n’a été prise en France. La France et l’Allemagne sont en effet les seuls pays en Europe à délivrer un permis de conduire sans conditions de durée, ni contrôle. Les autres pays européens prévoient un contrôle périodique et/ou lié à l’âge, avec un contrôle médical, voire même parfois un examen pratique.
Bon à savoir : les personnes âgées ont en général conscience de leurs problèmes visuels et adaptent leur conduite en conséquence (vitesse réduite, trajets plus courts, conduite de jour uniquement). En revanche elles ont rarement conscience des problèmes cognitifs liés au vieillissement et c’est bien souvent la cause réelle des accidents.
Notre conseil : ne pas hésiter à interroger le médecin qui suit la personne âgée, voire un spécialiste (ophtalmologue, neurologue). Le médecin traitant peut proposer des tests auditifs, visuels, etc. Il peut également orienter si besoin vers un spécialiste (ophtalmologue, neurologue…). Passé quatre-vingts ans, il est raisonnable d’échanger régulièrement avec son médecin sur les éventuels problèmes de conduite. L’avis médical ne signifie pas forcément l’interdiction du volant. Bien souvent le médecin proposera des solutions pour pallier aux difficultés rencontrées (meilleure correction de la vue, voire opération comme pour la cataracte, appareillage auditif si une surdité trop importante est décelée). Les échanges peuvent aussi aboutir à une meilleure adaptation du véhicule (boîte automatique notamment).
Les environnements les plus à risques pour les conducteurs âgés sont les situations complexes nécessitant de traiter plusieurs informations ou d’anticiper les trajectoires des autres véhicules, ou encore de réaliser plusieurs opérations simultanément. De fait les accidents mettant en cause des personnes âgées se déroulent fréquemment dans un rond-point, lors de l’introduction sur une route à forte circulation ou encore la nuit.
Notre conseil : adapter les trajets
A noter : le choix du véhicule peut partiellement soulager un conducteur âgé (boîte de vitesse automatique comme évoqué plus haut mais aussi assise plus élevée et surface vitrée importante pour améliorer le champ de vision, etc.).
De nombreuses mutuelles mais aussi des associations comme l’Automobile Club proposent des stages adaptés aux seniors. Ces stages incluent des remises à niveau des connaissances souvent bien nécessaires (nouveaux panneaux de signalisation, nouvelles réglementations, etc.). Et surtout ils dispensent des cours de conduite pour seniors (théoriques et parfois pratiques). Le but n’est pas de savoir comment empêcher une personne âgée de conduire mais plutôt de donner des conseils judicieux. L’objectif étant d’aborder les situations les plus stressantes comme conduire dans un rond-point ou tourner à gauche.
Bon à savoir : certains stages sont organisés en partenariat avec les collectivités locales. Renseignez-vous auprès de votre CLIC, Centre Local d’Information et de Coordination, ou auprès de votre mutuelle.
A noter : pour les férus de jeux vidéo, sachez qu’il en existe qui sont spécialement conçus pour aider les conducteurs âgés à effectuer plusieurs tâches en même temps. Avec Neuroracer par exemple, la personne âgée conduit une voiture sur une route sinueuse au moyen d’une manette et doit effectuer plusieurs actions simultanément. En effet elle dirige son véhicule grâce au bouton gauche de la manette et doit appuyer sur le bouton droit de la manette dès qu’un cercle vert apparaît sur l’écran. La pratique régulière de ce type de jeux appelés aussi « serious games », stimule et renforce les capacités cognitives des personnes âgées. A recommander donc à un proche âgé motivé !
Selon les statistiques de la sécurité routière, ce sont les conducteurs les plus jeunes (18-24 ans) et les plus âgés (au-delà de 75 ans) qui sont le plus souvent à l’origine des accidents mortels lorsqu’ils sont impliqués dans un accident de ce type. On estime que leur responsabilité est engagée dans 70 % des cas. C’est dire à quel point il est important de se poser régulièrement la question de la capacité d’une personne âgée à prendre le volant.
Cette capacité ne dépend pas du seul critère de l’âge, car il est difficile de déterminer à quel âge on est senior. C’est à chacun, conducteur âgé ou proche, de s’interroger. Être honnête et lucide avec soi-même : oser affronter les difficultés rencontrées, oser évoquer les inquiétudes face à des parents vieillissants.
Pour éviter le pire, mieux vaut arrêter de conduire. D’autant qu’aujourd’hui il existe de nombreuses solutions pour aider les seniors à conserver une autre forme d’autonomie.
Les CLIC et CCAS sont des lieux privilégiés pour découvrir les alternatives à la conduite. On peut citer en particulier :
Se poser la question de la conduite, c’est parfois aussi se poser la question du lieu de vie. Une question délicate mais qui trouvera une réponse d’autant plus adaptée qu’on aura su l’anticiper.